vendredi 12 décembre 2014

Pédiatrie sociale

Ce vendredi j’ai entendu une entrevue à la radio de Radio Canada, au cours de laquelle on parlait de la Guignolée du docteur Julien. Au Québec, je pense bien que le docteur Julien est connu de tous. Pour nos copines d’ailleurs, il s’agit d’un pédiatre… une sorte de pédiatre sensible, avec un cœur, des rêves et des espoirs qu’il a tenté de réaliser en prenant soin des enfants pas seulement techniquement, mais dans toute leur grandeur même s’ils sont petits. Ainsi le docteur Julien a voulu offrir aux enfants des sorties, des amis, de la musique, du plein air, des jeux, des services de toutes sortes… la possibilité d’être considérés, entendus et d’exister. La possibilité aussi de prêter une oreille aux familles de ces enfants, de leur donner une voix et d’ouvrir avec elles un passage peut-être peu traditionnel, mais combien constructif, empathique, généreux. Ainsi il en est venu à parler de pédiatrie sociale et à ouvrir un centre, qui lui a fait des petits un peu partout au Québec.

A l’entrevue d’aujourd’hui ce qui m’a le plus émue c’est d’entendre la responsable d’un des centres dire :

-       le parent est l’expert de l’enfant, même dans les situations les plus difficiles, c’est souvent lui qui connait le mieux son enfant
-       je ne connais pas de parent qui n’aiment pas leurs enfants… parfois ils sont souffrants, vulnérables, dépassés ou démunis momentanément, mais ils aiment leurs enfants
-       en accompagnant un enfant, c’est la famille au complet que l’on accompagne et qui peut reprendre son souffle, son envol
-       dans les centres de pédiatrie sociale, on ne ferme jamais un dossier; si quelqu’un ne vient plus nous voir pendant un certain temps, la porte est ouverte pour le moment où il souhaitera revenir
-       un enfant qui bouge, qui a de la difficulté à apprendre c’est parfois un enfant traumatisé, c’est parfois un enfant stressé… c’est souvent un enfant qui n’a pas besoin de médicament

J’étais émue parce que ce n’est pas ce que l’on entend ordinairement.
J’étais émue parce que plus souvent qu’autrement, on cherche à déposséder les parents, de leur pouvoir d’action auprès de leur rejeton.
J’étais émue parce qu’à l’horizon il n’y avait ni menace ni sentence, seulement de la confiance.
J’étais émue parce qu’on ne joue pas sur le sentiment de peur, celui qui fait que l’on se sent inférieur…on use pas de DPJ ou de stratégie… mais plutôt d’empathie.

L’espace d’un instant j’ai eu l’impression qu’il n’y avait plus de case ou de barrière, mais la possibilité sincère, d’accompagner doucement, respectueusement, positivement, les enfants… les enfants, leurs familles et leur petit cœur, sans peur, vers un avenir meilleur… un avenir avec des couleurs !

Merci Monsieur Julien !


Si vous voulez écouter l’entrevue c’est ici (Il faut défiler vers le milieu de la page) et pour visiter la fondation du docteur Julien et prendre part à cette grande guignolée c’est !!!


mercredi 10 décembre 2014

Camp de réfugiés

Hier je suis allée dans un camp de réfugiés.
Comme tout le monde j’en avais déjà entendu parlé, mais je n’en avais jamais fréquenté.
Dû moins pas comme celui d’hier, où il y avait dans l'air un parfum de guerre.
Sitôt arrivée j’ai été choquée, brassée, bouleversée.
J’ai hésité entre fulminer ou me mettre à pleurer.



A perte de vue du gris, sans vie.
Des panneaux suggérant de faire attention, pour éviter toute contagion ou propagation d’infection.
De la nourriture rationnée, qui plus est, de mauvaise qualité.
Des gens en uniforme chargés de veiller, de soigner, mais tellement militarisés, contrôlés, blasés que toute empathie semble les avoir quitté.
Et des mères, des grands-mères, des personnes âgées, des enfants blessés.
Tous alignés, attendant d’être soignés.
Tous numérotés, abandonnés, effrayés de se retrouver coincés dans ces lieux désâmés.
Tous désemparés, dépouillés, déshabillés, ayant pour seul couvert de leur intimité, une tunique bleue nouée par derrière, laissant le dos et les fesses à l’air.
Et les mots, les propos, plus durs que de la pierre en plein hiver.

Déficit immunitaire ou crise humanitaire ?

Parce que finalement vous l’avez compris je n’étais pas en Arménie ou en Syrie, non c’était rien de plus banal qu’un rendez-vous à l’hôpital.

Je ne comprends pas, comment on a fait pour en arriver là.

Est ce que l’on doit obligatoirement enfermer pour soigner ?
Est ce que l’on doit forcément user de pouvoir, pour faire son devoir ?
Est ce que l’on doit assurément meurtrir pour permettre de guérir ?
Est ce que le vert, le rose, le orange sont vraiment si dispendieux, comparativement au beige et bleu hideux et cafardeux ?

Certes on a rassemblé, dans des salles hyper équipées, de quoi sauver des vies qui auraient pu trépasser. J’en suis reconnaissante depuis une nuit particulièrement souffrante.
Mais on a oublié de laisser passer la lumière, celle qui fait que la vie s’épanouit depuis des millénaires.
On a oublié la nature et ses murmures entre ces murs.
On a oublié les chamans et les sages-femmes.
On a oublié le soleil qui n'a pas son pareil. 

Pendant cette matinée j’ai eu la sensation d’être retranchée, capturée, malmenée, emprisonnée.
J’ai eu l’impression que tout ceux qui m’entouraient, momentanément indigents, ébranlés, auscultés, mutilés, irradiés, handicapés, disséqués, épuisés, opérés, endeuillés ou accouchés, étaient mis au rancard, entourés de remparts, pour les mettre à part.

Coupés de la vie,  alors que justement ils avaient besoin de recharger leurs batteries.

J’ai pleuré et je me suis réfugiée dans notre forêt, en formulant le souhait, qu’un jour la santé soit quelque chose de globale, loin d’un hôpital.