mardi 10 juin 2014

Maternage



Hier nous sommes allés à une conférence sur l’attachement… je craignais que l’on y perde notre temps, mais j’avais besoin d’en avoir le cœur net, pour toutes les fois où je l’ai eu en miettes ! Ainsi on a fait fi du beau soleil enfin levé et nous sommes allés nous encabaner dans un local ou l’on distribuait de l’air conditionné, à défaut de réussir à respirer. Heureusement, les deux grands, étaient chez leurs cousins pour fêter la fête des voisins ! Nous avions juste petit Caillou avec nous.

J’ai souffert, de voir toutes ces pères et mères amères et pourtant assis, maquillées, embijoutées, prêtes à rigoler comme si de rien n’était. Je suis toujours estomaquée de voir à quel point la vie continue, même quand tout est perdu. J’ai souffert aussi du peu de contenu, du déjà vu, déjà su, déjà entendu…  convenu. J’ai rué dans les brancards, lorsqu’on nous a présenté les causes d’un attachement difficile et qu’au milieu des abus, négligences, ruptures à répétition, milieu avec dysfonction, se trouvait également excès de maternage en bas âge. Et voilà que l’on se met à nous expliquer, que c’est la réalité, le fait de mamans angoissées, qui souvent vont favoriser un allaitement prolongé et faire de leurs enfants des petits êtres refermés, inquiets, indifférents ou hésitant à aller de l’avant. Et c’est lorsqu’ils arrivent en garderie ou en maternelle, que l’on s’aperçoit de l’urgence d’une mise en tutelle.  Et qu’est-ce que je faisais pendant ce temps, forcément j’allaitais mon bambin de trois ans !!!

Materner, veut dire agir comme une mère. Le maternage quant à lui est une façon de s’occuper de son bébé ou de son enfant, selon un principe de continuum, qui peut impliquer le portage, le co-dodo et l’allaitement mais surtout la bienveillance, la possibilité et la disponibilité de suivre le rythme de l’enfant.  Ainsi une mère qui retient son enfant auprès d’elle, en le contrôlant, afin de mieux gérer son anxiété, son insécurité ou sa peur d’en être séparée n’a rien à voir avec le fait de materner. Il s’agit d’une forme de maladie, de gros soucis, pour lequel elle aura besoin d’être écoutée, outillée afin de moins angoisser, de se réaliser et de laisser ses enfants s’envoler. Pourtant un médecin quelque part à osé et posé un diagnostic pathétique, plein de stéréotypes; un gros mélange de méconnaissance, de jugement envers les mamans, une condamnation plutôt qu’un peu de compassion. Alors qu’un discours maternant réussit à émerger depuis quelques années, on lui coupe l’herbe sous le pied !!! Alors que dorénavant les mères sont sorties des foyers, sont hautement scolarisées, travaillent en plus de s’occuper des enfants elles sont toujours les premières au banc des accusées; névrosées, dépressives, anxieuses, douteuses. Je ne me savais pas une tendance sexiste, mais là je fulmine. Ça va faire de passer pour des névrosées, après tous les combats que nos mères et grands-mères ont menés.

Dans la litanie des infamies il y a aussi le fait que la plupart des parents présents ont mentionné ce que l’école leur faisait endurer, mais tous leurs enfants continuent d’y aller. S’ajoutent à cela des chercheurs et la dernière trouvaille de l’heure. En effet à Ste-Justine une étude tend à démontrer que des sévices à répétition vont aller jusqu’à transformer l’ADN, induisant alors la possibilité de troubles transgénérationnels. Tant mieux si c’est prouvé, ça permettra peut-être d’avancer, parce qu’en même temps, dans d’autres établissements, des gens outillés, éveillés, s’impliquent et s’appliquent à faire des constellations familiales, du EMDR, de la kinésiologie ou de l’art thérapie, pour débloquer, délier, dénouer des héritages familiaux pas très beaux. Ainsi d’un côté on a la preuve, la vraie vérité scientifique, observée, validée, confirmée. De l’autre on a des praticiens aguerris, disposant d’outils. Serait-ce trop demander de faire des passerelles, de faire en sorte de défricher de nouveaux chemins afin d’assurer enfin à chacun de meilleurs lendemains. Mais non la couverte ne semble pas trouver de milieu et pendant que l’on s’écharpe, c’est toute une génération que l’on échappe. Un dialogue de sourds, dépourvu d’amour.
On retire des enfants à leurs parents, on remplit des dossiers pour mieux les médicamenter, on cumule les difficultés bien cernées même si on n’a pas de services à proposer. Et surtout, surtout, on s‘applique à pratiquer un chemin bétonné, balisé, même si on le sait imparfait voire impossible à utiliser. Tous les parents présents ont mentionné ce que l’école leur faisait endurer, mais tous leurs enfants continuent d’y aller.

J’ai réalisé à quel point notre vision est transformée du fait du chemin que nous avons choisi d’emprunter. Ainsi pour notre tribu, tellement de choses ne font plus sens en raison de leur incohérence, de la possibilité de les rejeter, du fait de pouvoir choisir plutôt que de se faire dicter la direction appropriée. Je ne nous pense ni meilleurs ni supérieurs, mais plutôt privilégiés de ce chemin dévoilé. Une odyssée que j’aimerai partagée, libérée et non réservée à quelques initiés.  
Je suis rentrée chez moi à moitié bouleversée et en même temps soulagée. Bouleversée de tous ces propos rapportés, de penser à ma fille si on en avait fait sa réalité et soulagée que tout ça ne soit pas la voie que nous avons choisi de fréquenter. Notre chemin n’est pas facile, caillouteux, graboteux, tortueux, venimeux, mais aussi lumineux, doucereux et même heureux. Mais surtout il est libéré, de ce que l’on aurait pu nous imposer.

2 commentaires:

  1. Très très joli texte, très belle réflexion. Le chemin que nous avons choisi pour l'éducation de nos enfants n'est pas le plus facile, mais nous permet de vivre de si belles et grandes choses AVEC eux et POUR eux!
    P.S. : Tu voulais que je te donne mon adresse courriel pour communiquer avec moi, mais je ne sais pas comment te l'envoyer de façon privée... Peut-être y a-t-il un truc que je n'ai pas trouvé, étant novice en matière de blogues? Je me sens un peu nounoune, là ;-P

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  2. Ben non pas nounoune du tout ... si tu savais tout ce que je n'arrive pas à faire encore... et puis tu as réussi :)

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