mardi 7 octobre 2014

Le tordeur de petits coeurs



Je me suis longtemps demandée, comment les familles faisaient, lorsque les parents travaillaient toute la journée, à l’extérieure de la maisonnée…
Le rythme effréné du marathon entamé, à peine levé; le déjeuner vite engouffré, le supplice de la mitaine égarée, la quête des clefs, le bisou pressé et la ‘’run de lait’’ pour accompagner le plus petit à la garderie, le benjamin et l’ainé à l’école du quartier, puis papa maman à leur labo, buro, studio, resto ! La journée chacun de son côté, cloisonnés dans des univers séparés, pour se retrouver épuisés à l’aube d’une soirée déjà bien entamée dont les heures sont comptées puisqu’il y a un deuxième marathon à mener; celui du souper à préparer, des bains à donner, des leçons à réviser, des brassées à lancer, des appels à retourner, des boîtes à lunch à vider, des histoires à raconter, des bisous à distribuer…
C’est lorsque je vois la tronche de mes journées, à quel point elles sont occupées que je me mets me questionner !
Lorsque je réalise tout ce qu’il y a à faire dans une vie de mère … et de père. Parce que même en étant à la maison, je n’arrive pas à éviter toutes les tensions, même si la tentation tient bon. Bon d’accord j’en fais beaucoup … en fait presque tout; du lavage au ménage en passant par le pelletage, le raccommodage, l’école à la maison, les pâtés au saumon, la peinture du salon. Le bêchage du potager, la clôture à relever, le toit de la serre à réparer… c’est moi qui le fait. Samuel est celui qui rapporte les sous, il travaille beaucoup, est souvent à l’étranger, en plus d’être absorbé par ses projets.
Si au début c’était une volonté partagée d’être avec les enfants à la maison, au fil du temps je suis devenue une sorte de tampon… zone d’absorption et de dévotion pour éviter les débordements et les manquements. C’est qu’il y a 5 ans, Samuel a eu la bonne idée d’inventer une nouvelle façon de greffer les palmiers. Ça c’est parlé, le projet a pris des proportions démesurées; employés, conseillers, négociations, exportations, plantations… je suis restée à la maison ! Restée à la maison pour tenir le fort… tenir le fort pour continuer d’être forts. D’être forts unis, forts accomplis, forts heureux, consciencieux, amoureux, mais surtout présents, pour les enfants !
Après 5 ans de ce rythme effréné, la poussière commence à retomber et Florent à lever le pied… enfin je peux toujours rêver J Les palmiers assurent dorénavant une certaine stabilité à notre maisonnée. Dans ce semblant de calme presque retrouvé, une idée a germée. Cette fois c’est moi qui avais des projets ! J’ai hésité, tergiversé, investigué, questionné, comparé, puis je me suis lancée; planification, construction, promotion, besoin monétaire, plan d’affaire … en même temps que j’étais mère. Débordée par ce projet, dont j’ai mal calculé la portée, j’ai sabordé l’été… l’été tant convoité, tellement espéré, de ma si précieuse trâlée. Certes on en a profité; on s’est promené, baigné, baladé, on a campé, pédalé, pagayé, vu des amis, veillé autour du feu toute la nuit, monté à cheval, découvert des festivals ! Sauf que j’étais préoccupée, la tête pleine d’idées, toujours un truc pressant à gribouiller pour ne pas l’oublier, pas entièrement disposée et fréquemment en train de demander aux enfants de patienter. C’est Caribou excédé, qui me l’a balancé : ‘’T’es toujours occupée, faut toujours patienter!’’ Et vlan dans les dents, parait que la vérité sort de la bouche des enfants !
La zone tampon n’existait plus, le barrage chargé de protéger ma trâlée avait rompu. Je sais, je sais, Florent aurait pu prendre le relais. Et puis j’ai le droit d’exister, de me réaliser. N’empêche qu’eux n’avaient pas demandé à ce que leur été soit un gros chantier, avec une mère énervée, parfois pressée de les voir couchés. J’ai réalisé que lorsqu’on est passionné, on ne fait rien à moitié, tout devient difficile à concilier sans parler du risque de se faire avaler. Puis quand il y a des délais à respecter, de l’argent engagé, ça prend vite le dessus sur les  priorités. Alors les enfants passent dans le tordeur… et ça fait peur.
Bien entendu c’était un coup à donner, ça ne sera pas comme ça toute l’année. Mais ceux pour qui, c’est la vie ? Ce à qui, on ne demande pas l’avis ? Est-ce vraiment ce dont ils ont envie ?
Après ce moment de forte tension et de petites rébellions, j’apprécie encore plus être maman à la maison et de pouvoir profiter de mes rejetons, au quotidien, du soir au matin. Le projet m’a fait m’envoler, mais le tordeur m’a tordu le cœur. Reste à trouver un juste milieu, un entre deux, pas trop ambitieux ni pernicieux, savamment dosé pour l’intégrer en toute sérénité.

3 commentaires:

  1. Comme je te comprends! Moi aussi, je suis en recherche d'équilibre pour essayer de me retrouver. J'ai envie de recommencer à travailler, mais sans que les enfants en souffrent... Pour l'instant, on y va doucement, mais ça va!
    "Trouver un juste milieu, un entre deux" : c'est le défi, mais je suis certaine que tu vas y arriver :-)

    RépondreEffacer
  2. L'équilibre... je suis en pleine recherche de l'équilibre. Je suis devenue celle que je n'aime pas.. j'attaque mes journées avec les balais, mes enfants devant la tv... mère horrible que je suis... je suis celle aussi qui mène la maisonnée, et je suis aussi en burn out, pour trouver l'équilibre... Merci pour ce post, il m'a éclairé sur beaucoup d'éléments,ou de questions que je me pose

    RépondreEffacer
  3. Merci pour vos petits mots les filles...
    On a tous nos moments mère horrible... mais aussi bonne fée !
    Quant au balai, il faut le passer, et si on pouvait s'en passer on vivrait davantage de légèreté... et d'équilibre! En attendant d'y arriver, ça fait du bien de partager :)

    RépondreEffacer