vendredi 3 avril 2015

Le jour où j’ai rencontré une mère qui avait tout raté

… du moins c’est ce que je croyais.

Nous étions à l’aéroport, lorsque je l’ai aperçu l’air triste, téléphone en main. J’ai d’abord pensé qu’elle laissait derrière elle un amoureux, un enfant, un être cher.  Pourtant non. Je l’ai revu plus tard dans les bras de son homme, pleurer à chaudes larmes, avec ses enfants autour d’elle. Je me suis dit qu’elle venait d’avoir une très mauvaise nouvelle au téléphone… un accident, un parent hospitalisé, en fin de vie, ou mort. Je l’ai croisée de nouveau sur le stationnement, son tout petit dans les bras, ses yeux rougis et le reste de sa tribu trainant leurs valises.

Cette mère en fait, avait tout raté… raté un grand rêve qu’elle avait rêvé avec sa tribu adorée. En famille ils s’en allaient admirer un étonnant spectacle de la nature, chorégraphie colorée éphémère en plein désert. Mais surtout ils retournaient  marcher sur les traces de leurs années passées en terre sacrée, cette fois accompagnés de leurs enfants tellement désirés. C’était un rêve… un rêve de longue date… un rêve pour lequel on se mobilise et on économise. Un rêve qui allait se concrétiser, simplement parce qu’ils n’arrivaient plus à y résister. L’appel était perpétuel.

Ainsi ils avaient barré les jours sur le calendrier, s’étaient préparé, avaient mis les bouchées doubles pour boucler projets et dossiers engagés, ressortir la garde robe d’été, vider le frigo, trouver une gardienne pour les animaux, boucler les valises et sac à dos… toutes ces choses que l’on fait lorsqu’on s’apprête à voyager ! Le grand jour était enfin arrivé, aux petites heures du matin ils s’étaient engouffrés dans leur voiture, et avait bravé la dernière de tempête qui s’acharnait à ralentir leur allure. Malgré ça ils étaient arrivés à temps à l’aéroport, ils avaient retiré leurs gros manteaux en duvet et les avaient troqués contre des plus légers. Le rêve allait devenir réalité ! Pourtant au guichet d’enregistrement, impossible de retracer les billets. A force de vérifications il s’est avéré que la maman, un tantinet débordée, s’était trompée de journée. Leur vol avait décollé hier … il n’y avait plus rien à faire. Pour cette maman souvent en retard, il était trop tard. Trop tard pour rêver, trop tard pour se rattraper, trop tard pour se recentrer, trop tard pour s’excuser et se faire pardonner.

Cette maman pourtant aimante et dévouée, se sentait coupable et honteuse, d’avoir tout raté, d’avoir mal géré ses priorités, d’avoir manqué à sa mission, négligé sa principale préoccupation, d’avoir tout simplement délaissé son engagement, d’avoir fait rêver sa trâlée pour finalement l’abandonner désappointée… Cette maman coupable et honteuse avait la sensation de s'être auto sabotée sans parvenir à décrypter le message caché dans cette épreuve jusque là insoupçonnée. Cette maman coupable et honteuse, n’avait pas la possibilité d’échapper à cette irréversibilité et devait assumer d’avoir tout gâché, d’avoir gaspillé autant d’argent, déçu ses enfants, sabordé leur espoir confiant, provoqué leurs mots coupants…

Et pourtant …

Non seulement son amoureux  a clamé que la responsabilité leur incombait à tous les deux, a écouté et accompagné le désappointement des enfants et aussi rappelé qu’ils étaient tous ensemble, en vie et que rien de grave n’était arrivé. Ils allaient faire un autre plan, en profiter  et surtout bien s’amuser. Quant à la Terre sacré ils y retourneraient ! Après un petit moment d’hésitation et d’adaptation, les enfants ont consolé leur maman en lui partageant toutes les choses qui faisaient que ce serait chouette de rentrer à la maison. Ils y ont mis des câlins, des sourires, des mots doux et fleuris comme on en rencontre pas souvent dans une vie.

La maman coupable et honteuse s’est remise à pleurer parce que l’air du temps aurait voulu que son adolescent lui cri des mots insolents, indécents pour manifester son dénis et son mépris… tandis qu’il n’a été que compassion et compréhension.
Que de la douceur, des fleurs, de la part de ses petits cœurs collés à elle, coupable et honteuse et en même temps heureuse… heureuse d’avoir une si belle tribu, d’avoir raté une date sur le calendrier, mais réussi à créer une merveilleuse maisonnée. Heureuse de réaliser l’ampleur de la confiance et de l’amour que ses enfants lui accordaient. Heureuse de réaliser à quel point les enfants aimaient leur vie au point d’apprécier de la retrouver même après avoir seulement rêvé.



Merci la Vie !!!

1 commentaire:

  1. Oh lala, c'est vraiment plate pour les billets. J'ai pleuré en te lisant, ça serait tellement mon genre et je sais que je pleurerais, beaucoup. Je m'en voudrais, même si on s'entend qu'il y a des choses vraiment pires dans la vie. Je suis certaine que vous allez trouver des tonnes de choses tripantes à faire au Québec!

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