mercredi 25 mai 2016

Journée internationale des menstruations; Accueillir


À l’instar de  nombreuses femmes j’ai longtemps entretenu un rapport troublé avec la féminité. Essentiellement parce que pour moi cela rimait avec vulnérabilité ou potiche grimée et écervelée. Un gros jugement on s’entend ! Et pourtant ma mère, mes grands-mères et les autres femmes de ma vie n’appartenaient à aucune de ces catégories. Toutes étaient jolies, portaient de temps à autres des jupes fleuries, semblait bien avec leurs maris, se réalisaient dans des projets infinis et avaient même pris soin de transmettre à leurs enfants chéris les secrets de la vie! À mes premières règles mon père m’avait serré dans ses bras, en me disant qu’il était fier de moi, tandis que ma mère m’avait expliquée, accompagnée et encouragée le temps des crampes et des nausées.

Mais voilà ces crampes et nausées étaient ce que je ressentais face à cette féminité nouvellement déployée, en même temps qu’une immense responsabilité que je ne me sentais pas prête à assumer.

Si j’avais su …
Au fil du temps ce sentiment s’est mué en colère. D’un côté la société se servait de la féminité pour faire rêver; on l’affichait, l’exposait, la faisait suinter jusque dans les publicités de bières et de chars au grand air. De l’autre on la cachait, la voilait, la bafouait en faisant comme si de rien n’était. Pire, à l’autre bout de la terre, on s’en servait comme arme de guerre. J’étais amère et ne savais que faire.

Si j’avais su …
Ainsi je portais la dualité de l’exaltation de la séduction doublée du pouvoir de procréation mais aussi la vulnérabilité qu’un tel statut imposait parce que nombre de femmes étaient abusées, manipulées, agressées, violées, marchandées… objets. Ça me désespérait au quotidien et me mettait carrément hors de moi, chaque mois où le sang était là.  Je ne voulais pas, faire partie de tout ça. D’effroyables crampes me foudroyaient, me forçant à garder le lit, à tenir compte de leurs débarquements pour organiser ma vie. C’était comme si mon corps se refusait, vomissait, contractait pour expulser ce soupçon de féminité qui s’acharnait à vouloir germer. Dans ces moments j’en voulais à l’humanité au complet, hommes et femmes rassemblés, de m’affliger tant de tourments et de précarités. C’était un supplice, une telle injustice.

Si j’avais su …
La seule chose à laquelle je m’accrochais, était qu’un jour cet état me permettrait d’enfanter. Malheureusement, la vie en a décidé autrement. Non seulement j’étais chaque mois affligée, mais le reste m’était refusé. J’ai passé des journées entières révoltées, désœuvrée à en vouloir à la terre entière de ne pouvoir devenir mère.

Si j’avais su …
J’ai commencé à faire un tout petit peu la paix, avec cette maudite féminité, lorsque mon fils est arrivé de son pays ravagé. J’étais devenue une maman relai, pour un bébé dont la première maman n’avait pu continuer. À mesure que je le maternais, je goûtais à une nouvelle sérénité et découvrais les vertus d’un corps efféminé même s’il n’avait pas accouché. Doucement mon antre apprivoisait l’idée d’une certaine féminité. Mon fils, je le câlinais, le massais, le portais, le laissais téter pour se réconforter même si je n’avais pas de lait. Pendant qu’il profitait, je m’apaisais et trouvais un réconfort dans la proximité de nos corps. Malgré tout,  mes menstruations demeuraient des moments de grandes tensions, d’incompréhension, de rébellion et de déception. Quoi que je fasse la mort filtrait dans mon corps.

Si j’avais su …
Un jour une amie m’a invitée à une soirée; Bakti femme sage était de passage, et allait bientôt offrir un rituel, en lien avec la dimension sacrée du cycle menstruel. En écoutant cette femme, s’offrait à moi une autre vision, des menstruations. Le fait de détenir un pouvoir de création, qui dans d’autres civilisation, était célébré et honoré. J’ai hésité, mais j’y suis allée, effrayée à l’idée de me retrouver entourée de femmes avec qui j’allais devoir parler (il allait falloir parler), peut-être me raconter, me dévoiler. J’avais peur de me sentir jugée, écartelée comme si je n’avais pas ma place dans cette communauté puisque j’étais amputée de ma féminité. Ce qui m’a convaincue d’y aller, c’est que je venais de perdre mon deuxième bébé… notre petite fille que nous attendions d’aller chercher dans son pays déchiré. J’étais désemparée, mêlée et j’avais besoin de me retirer pour me retrouver et qui sait obtenir des réponses à mes questions et tergiversations.

Si j’avais su …
Lorsque je suis arrivée le vendredi j’ai été accueillie, considérée pour la femme que j’étais, entièrement et tout simplement. Le rituel a commencé; collier de vie, broderie, parabole, cercle de parole, préparation à la quête de notre bâton. Ce qui m’a impressionné c’est que toutes les femmes rassemblées avaient leurs forces et leurs vulnérabilités et qu’il n’était pas facile, pour elles non plus, d’en parler et de s’accepter, telles qu’elles étaient. C’était comme si chaque récit, faisait écho à une autre histoire de vie. Chaque parcelle partagée alimentait la compassion, une réflexion, une décision, un pardon et surtout la sensation de faire partie de quelque chose de grand … et d’appartenir à un clan.

Si j’avais su, que ce n’était qu’un début …
Au cours de ces journées, j’ai pu envisager que cette grande vulnérabilité, cachait aussi une grande sensibilité. Sensibilité qui chez certains peuples est appréciée et respectée. Que cette sensibilité est un peu le balancier de l’humanité et que nous en sommes les gardiennes sacrées, de par le pouvoir qui nous a été confié. Qu’il est impératif de préserver ce sentiment, plutôt que de le nier à chaque instant, pour continuer de le faire exister, d’en parler, de le partager afin qu’il contribue à nos réalisations, rebellions, inspirations et créations. Qu’il faut prendre le temps de s’arrêter, de s’écouter, de marquer, d’enraciner, ce dont nous sommes porteuses et semeuses, tant dans nos noirceurs qu’au meilleur de nos humeurs.

Ainsi pendant des années, mois après mois, j’ai accueilli le sang qui coulait et fais la paix en célébrant ma féminité. J’ai brodé, filé perlé sur mon bâton, mes rêves, mes peurs, mes souhaits et mes projets. Je me suis accordée ces moments parfois tranquilles, retirée, dans la forêt, d’autres fois au milieu des tourments et des enfants. Mais chaque fois j’ai pris le temps parce que c’était devenu important. Au fil des lunes, ma féminité s’est déployée, enracinée et les maux de ventre se sont estompés. J’ai même osé les robes d’été ! Mon bâton de lune était devenu sacré.
Ce moment en lien avec le féminin, est également devenu porteur pour les miens. Quelques fois je leur racontais ou leur montrais ce que j’avais perlé, remercié ou souhaité en pensant à certaines de nos difficultés ou moments particulièrement appréciés. C’était l’occasion de parler de sujets qui à d’autres moments étaient difficiles à aborder, de me sentir considérée sans être critiquée ou jugée puisqu’il s’agissait d’un moment en lien avec mon bâton, et non une condamnation ou une accusation.

Quelques temps après, j’ai eu la chance de lire Lune Rouge de Miranda Gray. C’était la suite du chemin sur lequel j’avais commencé de m’engager. Un chemin que je voulais me dessiner, accueillir et fleurir. Ce fut une révélation; Elle y parle du tabou de la menstruation, de notre cycle de création, de l’arbre utérus à visualiser, de notre fécondité qui peut aussi en être une d’idée. Elle y aborde de nombreux aspects, qu’il me semble important de partager. Laissez-vous inspirer :
    l’énergie sexuelle au fil du cycle menstruel,
    le cadran lunaire pour noter et répertorier toutes nos fragilités, facilitées, excès, envolées afin de dresser un portrait de nos états, au fil du mois,
    la difficulté d’exister et d’exercer son pouvoir féminin, au quotidien,
    la nécessité d’enjoindre les femmes à cultiver leur féminité, à créer des archétypes contemporains, pour assurer de meilleurs lendemains à chacun,
    l’urgence d’éduquer et d’initier nos filles bien avant la puberté, de façon à ce que celles-ci puissent exercer leur féminité en toute légitimité et liberté,
    la possibilité de rencontrer nos déesses et de prendre conscience de notre sagesse,
    la remise en question de la société quant à la reconnaissance, l’acceptation et l’éducation du rôle de la menstruation, ainsi que celui de la religion dans la négation d’un pouvoir qui s’est perdu au fil des générations,
    éveiller à la notion que la menstruation puisse reposer sur un principe de régénération; chaque mois constituant la possibilité de recommencer et de créer,
    cultiver notre lien à la terre, célébrer l’action lunaire, d’être des femmes entières,
    ouvrir son subconscient pour s’éveiller aux anciens enseignements, reconnaitre la force et la douceur d’être des sœurs,
Et pour finir, elle enjoint les femmes à exprimer leur créativité, leur sexualité et leur spiritualité !

Si j’avais su… que je trouverai tout cela sur mon chemin, j’aurai eu moins mal au ventre c’est certain. J’en aurai moins voulu aux hommes, aux femmes, à l’humanité, à la nature et ses astres associés.

Si j’avais su… que sur le chemin de la féminité, je trouverai une voie dans laquelle m’engager, je n’aurai pas tant douté.

Si j’avais su… que je n’étais pas seule, qu’il ne s’agissait pas d’une vulnérabilité que d’accepter cette féminité, mais plutôt quelque chose de beau, une sorte de cadeau, confié par la vie pour veiller à l’infini et oser qui je suis.

Si j’avais su qu’un jour j’organiserai la journée des menstruations … demain je vous en raconterai les raisons !

En attendant toutes les infos sont ici :
www.chemins-de-traverse.ca/calendrier/

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