
Mais voilà ces crampes et nausées étaient ce que je ressentais face à cette féminité nouvellement déployée, en même temps qu’une immense responsabilité que je ne me sentais pas prête à assumer.
Si j’avais su …
Au fil du temps ce sentiment s’est
mué en colère. D’un côté la société se servait de la féminité pour faire rêver;
on l’affichait, l’exposait, la faisait suinter jusque dans les publicités de
bières et de chars au grand air. De l’autre on la cachait, la voilait, la
bafouait en faisant comme si de rien n’était. Pire, à l’autre bout de la terre,
on s’en servait comme arme de guerre. J’étais amère et ne savais que faire.
Si j’avais su …
Ainsi je portais la dualité de
l’exaltation de la séduction doublée du pouvoir de procréation mais aussi la
vulnérabilité qu’un tel statut imposait parce que nombre de femmes étaient
abusées, manipulées, agressées, violées, marchandées… objets. Ça me désespérait
au quotidien et me mettait carrément hors de moi, chaque mois où le sang était
là. Je ne voulais pas, faire partie de tout ça. D’effroyables crampes me
foudroyaient, me forçant à garder le lit, à tenir compte de leurs débarquements
pour organiser ma vie. C’était comme si mon corps se refusait, vomissait,
contractait pour expulser ce soupçon de féminité qui s’acharnait à vouloir
germer. Dans ces moments j’en voulais à l’humanité au complet, hommes et femmes
rassemblés, de m’affliger tant de tourments et de précarités. C’était un
supplice, une telle injustice.
Si j’avais su …
La seule chose à laquelle je
m’accrochais, était qu’un jour cet état me permettrait d’enfanter.
Malheureusement, la vie en a décidé autrement. Non seulement j’étais chaque
mois affligée, mais le reste m’était refusé. J’ai passé des journées entières
révoltées, désœuvrée à en vouloir à la terre entière de ne pouvoir devenir
mère.
Si j’avais su …
J’ai commencé à faire un tout petit
peu la paix, avec cette maudite féminité, lorsque mon fils est arrivé de son
pays ravagé. J’étais devenue une maman relai, pour un bébé dont la première
maman n’avait pu continuer. À mesure que je le maternais, je goûtais à une
nouvelle sérénité et découvrais les vertus d’un corps efféminé même s’il
n’avait pas accouché. Doucement mon antre apprivoisait l’idée d’une certaine
féminité. Mon fils, je le câlinais, le massais, le portais, le laissais téter
pour se réconforter même si je n’avais pas de lait. Pendant qu’il profitait, je
m’apaisais et trouvais un réconfort dans la proximité de nos corps. Malgré
tout, mes menstruations demeuraient des moments de grandes tensions,
d’incompréhension, de rébellion et de déception. Quoi que je fasse la mort
filtrait dans mon corps.
Si j’avais su …
Un jour une amie m’a invitée à une
soirée; Bakti femme sage était de passage, et allait bientôt offrir un rituel,
en lien avec la dimension sacrée du cycle menstruel. En écoutant cette femme,
s’offrait à moi une autre vision, des menstruations. Le fait de détenir un
pouvoir de création, qui dans d’autres civilisation, était célébré et honoré.
J’ai hésité, mais j’y suis allée, effrayée à l’idée de me retrouver entourée de
femmes avec qui j’allais devoir parler (il allait falloir parler), peut-être me
raconter, me dévoiler. J’avais peur de me sentir jugée, écartelée comme si je
n’avais pas ma place dans cette communauté puisque j’étais amputée de ma
féminité. Ce qui m’a convaincue d’y aller, c’est que je venais de perdre mon
deuxième bébé… notre petite fille que nous attendions d’aller chercher dans son
pays déchiré. J’étais désemparée, mêlée et j’avais besoin de me retirer pour me
retrouver et qui sait obtenir des réponses à mes questions et tergiversations.
Si j’avais su …
Lorsque je suis arrivée le vendredi
j’ai été accueillie, considérée pour la femme que j’étais, entièrement et tout
simplement. Le rituel a commencé; collier de vie, broderie, parabole, cercle de
parole, préparation à la quête de notre bâton. Ce qui m’a impressionné c’est
que toutes les femmes rassemblées avaient leurs forces et leurs vulnérabilités
et qu’il n’était pas facile, pour elles non plus, d’en parler et de s’accepter,
telles qu’elles étaient. C’était comme si chaque récit, faisait écho à une
autre histoire de vie. Chaque parcelle partagée alimentait la compassion, une
réflexion, une décision, un pardon et surtout la sensation de faire partie de
quelque chose de grand … et d’appartenir à un clan.
Si j’avais su, que ce n’était qu’un début …
Au cours de ces journées, j’ai pu
envisager que cette grande vulnérabilité, cachait aussi une grande sensibilité.
Sensibilité qui chez certains peuples est appréciée et respectée. Que cette
sensibilité est un peu le balancier de l’humanité et que nous en sommes les
gardiennes sacrées, de par le pouvoir qui nous a été confié. Qu’il est
impératif de préserver ce sentiment, plutôt que de le nier à chaque instant,
pour continuer de le faire exister, d’en parler, de le partager afin qu’il
contribue à nos réalisations, rebellions, inspirations et créations. Qu’il faut
prendre le temps de s’arrêter, de s’écouter, de marquer, d’enraciner, ce dont
nous sommes porteuses et semeuses, tant dans nos noirceurs qu’au meilleur de
nos humeurs.
Ainsi pendant des années, mois après mois, j’ai accueilli le sang qui coulait et fais la paix en célébrant ma féminité. J’ai brodé, filé perlé sur mon bâton, mes rêves, mes peurs, mes souhaits et mes projets. Je me suis accordée ces moments parfois tranquilles, retirée, dans la forêt, d’autres fois au milieu des tourments et des enfants. Mais chaque fois j’ai pris le temps parce que c’était devenu important. Au fil des lunes, ma féminité s’est déployée, enracinée et les maux de ventre se sont estompés. J’ai même osé les robes d’été ! Mon bâton de lune était devenu sacré.
Ce moment en lien avec le féminin,
est également devenu porteur pour les miens. Quelques fois je leur racontais ou
leur montrais ce que j’avais perlé, remercié ou souhaité en pensant à certaines
de nos difficultés ou moments particulièrement appréciés. C’était l’occasion de
parler de sujets qui à d’autres moments étaient difficiles à aborder, de me
sentir considérée sans être critiquée ou jugée puisqu’il s’agissait d’un moment
en lien avec mon bâton, et non une condamnation ou une accusation.
Quelques temps après, j’ai eu la chance de lire Lune Rouge de Miranda Gray. C’était la suite du chemin sur lequel j’avais commencé de m’engager. Un chemin que je voulais me dessiner, accueillir et fleurir. Ce fut une révélation; Elle y parle du tabou de la menstruation, de notre cycle de création, de l’arbre utérus à visualiser, de notre fécondité qui peut aussi en être une d’idée. Elle y aborde de nombreux aspects, qu’il me semble important de partager. Laissez-vous inspirer :
•
l’énergie
sexuelle au fil du cycle menstruel,
•
le cadran
lunaire pour noter et répertorier toutes nos fragilités, facilitées, excès,
envolées afin de dresser un portrait de nos états, au fil du mois,
•
la difficulté
d’exister et d’exercer son pouvoir féminin, au quotidien,
•
la nécessité
d’enjoindre les femmes à cultiver leur féminité, à créer des archétypes
contemporains, pour assurer de meilleurs lendemains à chacun,
•
l’urgence
d’éduquer et d’initier nos filles bien avant la puberté, de façon à ce que
celles-ci puissent exercer leur féminité en toute légitimité et liberté,
•
la possibilité
de rencontrer nos déesses et de prendre conscience de notre sagesse,
•
la remise en
question de la société quant à la reconnaissance, l’acceptation et l’éducation
du rôle de la menstruation, ainsi que celui de la religion dans la négation
d’un pouvoir qui s’est perdu au fil des générations,
•
éveiller à la
notion que la menstruation puisse reposer sur un principe de régénération;
chaque mois constituant la possibilité de recommencer et de créer,
•
cultiver notre
lien à la terre, célébrer l’action lunaire, d’être des femmes entières,
•
ouvrir son
subconscient pour s’éveiller aux anciens enseignements, reconnaitre la force et
la douceur d’être des sœurs,
Et pour finir, elle enjoint les
femmes à exprimer leur créativité, leur sexualité et leur spiritualité !
Si j’avais su… que je trouverai tout cela sur mon chemin, j’aurai eu moins mal au ventre c’est certain. J’en aurai moins voulu aux hommes, aux femmes, à l’humanité, à la nature et ses astres associés.
Si j’avais su… que sur le chemin de la féminité, je trouverai une voie dans laquelle m’engager, je n’aurai pas tant douté.
Si j’avais su… que je n’étais pas seule, qu’il ne s’agissait pas d’une vulnérabilité que d’accepter cette féminité, mais plutôt quelque chose de beau, une sorte de cadeau, confié par la vie pour veiller à l’infini et oser qui je suis.
Si j’avais su qu’un jour j’organiserai la journée des menstruations … demain je vous en raconterai les raisons !
En attendant toutes les infos sont ici :
www.chemins-de-traverse.ca/calendrier/
https://www.facebook.com/cheminsdetraverseetrituels/?fref=nf
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