mercredi 2 avril 2014

Faire le deuil


On en fait toutes je crois, des petits et des plus gros, des plus faciles et des plus difficiles, certains arrivent à être définitifs tandis que d’autres se pointent à répétition, nous attendant dans le détour… nous jouant des tours.
Depuis quelques mois une douleur sévit, dans mon cœur, dans mon corps, dans ma vie. Avec de l’aide j’ai réussi à l’entendre, la comprendre, pour enfin la faire partir et retrouver ma légèreté d'exister. Mais elle est tenace, coriace et la voilà qui refait surface. Ce n’est pas qu’elle fait si mal, non en fait c’est qu’elle fait peur, craindre le malheur. Peur que ce soit grave, peur qu’elle m’emporte, peur qu’elle me transporte jusqu’à un autre monde que je ne suis pas prête à visiter, arpenter, reposer en paix. En fait, elle m’a fait peur jusqu’à m’envahir, jusqu’à vivre avec la peur de mourir.
Et puis j’ai eu une sensation, vague impression, bribe de compréhension.
Si c’était seulement une partie de moi qui était en train de mourir, plutôt de mûrir, pour vivre de nouveau... vivre un renouveau.
Si c’était seulement une tranche de vie qui tire à sa fin… la fin des bambins.
La fin d’une période de vie, faite de petits.
La fin d’une décennie.
Ça pourrait être si simple, de laisser couler la Vie, de dire oui. Le problème, c'est que je suis attachée au passé, tandis qu'avec des enfants ont a pas le temps de s'attarder. Puis je ne suis pas certaine d'être prête, alors je tiens tête ! Un vrai combat en dedans de moi !

Ma couvée a grandit, vieillit...
Les moments où nous sommes tous attablés autour d'un même projet, se font plus espacés et parfois moins appréciés... et ça me fait regretter toutes ces belles années passées. Pourtant quel bonheur de les voir se définir, s'épanouir, confiants, contents... bientôt adolescents. Tellement de parents n'ont pas accès à de tels moments. Alors en même temps que j'éprouve une certaine nostalgie, je me réjouis, d'autant que la vie nous a gâtée, trois petits loups en santé ! Trois petits loups qui grandissent et nous ravissent ! Trois petits loups qui nous apprennent, qui ont fait de moi une Reine. Trois petits loups, grâce auxquels j’ai réalisé mon rêve, celui d’être mère et même mère de carrière. Mais voilà, même si je me disais que j’en voulais deux ou trois, je ne savais pas que j’aimerai autant ça. Je ne savais pas que ça ferait autant partie de moi. Je ne savais pas que ça ferait naître et grandir la femme en moi. Je ne connaissais pas le bonheur de le féminité, la fébrilité d’attendre un bébé. Je ne connaissais pas l’émoi, devant un minuscule petit pyjama. Je ne savais pas je pourrai m’enivrer de leur l’odeur, de leur tiédeur, de leur moiteur, de leur douceur. Je ne savais pas tout le bonheur de les tenir par la main pour partager notre chemin, je ne savais pas que caresser la tête d’un nouveau-né donne l’impression de toucher au sacré, je ne savais pas la félicité d’allaiter, je ne savais pas la complicité de jouer, de se chatouiller, de dessiner, de cuisiner, de se bisouter, de se câliner. Je ne savais pas, qu’ils deviendraient tout pour moi.
Et pire que ça, je ne savais pas qu’un jour mon temps serait compté, que des rides au coin des yeux et du blanc dans mes cheveux me rappelleraient qu’une décennie venait de s’ajouter, que le temps s’était écoulé au point de faire résonner un tic-tac  insensé et venir me faire sentir pressée de me décider. Décider d’un autre bébé ou d’avancer d’autres projets. Décider de passer à autre chose, ou en prendre une dernière dose. Fermer doucement cette partie de moi, qui a prêtée vie quelques fois. Emmener à la friperie, la chaise haute, le petit lit et tout ce qui a tant servi, donner le tire-lait et le porte-bébé, offrir à d’autres mamans les sacs de vêtements qui ne passeront plus de l’un à l’autre rappelant une foule de souvenirs. Observer les grosses bedaines, bébé en écharpe sans larme ni regret, reléguer ma crédibilité à d’autres domaines d’activités, arrêter d’écrire pour dire et revendiquer  un statut pour les mères de carrière,  avancer… avancer vers d’autres projets. Évoluer avec ma trâlée, plutôt que de rester collée au monde des bébés, grandir avec eux et continuer de vivre des jours heureux.

Je sais certaines me diront: "Mais qu’est ce qui t’empêche d’avoir un autre bébé, et de continuer d’accompagner doucement tes plus grands ?" Rien, si ce n’est la peur de ne pas y arriver, pas arriver à tout concilier, pas arriver à combler les fossés des années, pas arriver à accompagner chacun dans ses besoins au quotidien, la peur que ce bonheur soit au détriment d’un des enfants, d’une certaine légèreté que l’on commence à retrouver, le constat de petites nuits et de journées bien remplies… et l’envie aussi de nourrir d’autres projets, de faire grandir de nouvelles idées, de prendre soin de ce que l’on a … au creux de nos bras. Accepter, que nous ne sommes pas fait d’éternité, que les choses sont vouées à changer, évoluer, se transformer et qu’il nous faut apprendre à l’accepter, l’apprécier, le célébrer.

Un jour j’espère, je serai une grand-mère, aux cheveux gris et multiples décennies, épanouies, et ma vie sera de nouveau garnie de petits!

4 commentaires:

  1. Bon cheminement, dans cette étape nécessaire et salutaire, du temps qui passe et de la nostalgie... Pour mieux savourer le temps présent...
    Douce soirée.

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  2. Merci Aurore, de ces quelques mots, qui me touchent et me font savoir que tu passes de temps en temps. Ça me fait vraiment plaisir d'autant que tu me manques sur ton blog :)

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  3. Eh bien quelle sagesse! Mes cheveux blanchissants sont pour ma part bien plus empreints d'inquiétude que de sagesse. Mais pour moi ce dernier bébé était une nécessité, pour rétablir l'équilibre de départs trop douloureux, desquels il est impossible de tirer de deuils sains et accomplis.

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  4. Et bien Kokotte minute, merci de ta visite !
    Quand à nos petits qui deviennent grands, je suis très émue de lire ton besoin d'équilibre, parce que ça me touche et m'est passé par l'esprit et le cœur aussi. Même si de mon côté je crois que j'ai choisi de tout miser sur ce que j'avais, de croire et croire et croire et vouloir et vouloir et espérer ...
    Mais nous avons chacune notre être et bien que nos enfants puissent avoir des similitudes ce que nous vivons avec eux est unique ... de même que nos deuils et nos bonheurs !
    On se verra au sympo et je te souhaite sincèrement de le trouver ce bel équilibre.

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